Le Fil des jours est une recherche performative au croisement de la méditation dansée et de l’excursion urbaine. Cherchant à atténuer les effets néfastes de la pandémie sur le mouvement collectif, le Fil assemble les corps sans les rassembler. Il entoure la vie fragilisée par les mots d’ordre et soutient symboliquement les luttes pour une réhabilitation populaire et écologique des lieux urbains en transition.
À la tombée du jour, dix-huit danseuses et danseurs performent un relai gestuel silencieux le long d’un fil qui sillonne quatre lieux de Tiohtiá:ke / Montréal. De loin en loin, le trajet est balisé par leurs mouvements et agrémenté de compositions sonores et lumineuses.
Entre le jour et la nuit, entre le passé et l’avenir, entre la proximité et la distance, Le Fil des jours est une chorégraphie liminale, une ode discrète qui révèle les interrelations subtiles entre les corps et avec l’environnement. Il agit comme un courant crépusculaire qui entoure, veille et absorbe les surtensions.
Dans la distance, ne sommes-nous pas plus proches que nous le croyons, plus que jamais interdépendants? Avec le Fil, nous contournons cette alternative infernale à laquelle nous semblons rivé.e.s en ces temps pandémiques : l’atomisation ou la contagion. Peut-être y a-t-il des manières de se réapproprier la fameuse « chaîne de transmission » qui est devenue synonyme de danger?
Le fil se rapporte à une autre réappropriation ludique, celle du sémaphore. Cette pratique de communication visuelle, née au 18e siècle servait principalement à faciliter les opérations militaires : un alphabet dessiné par des bras mobiles en bois juché au sommet de tours distanciées était répété en relais de manière à propager rapidement des orientations stratégiques. Reprendre ce jeu à notre compte en le faisant basculer dans le registre du soin, de la méditation et de l’écoute, signifie qu’une autre stratégie de survivance peut s’activer ; solidaire, déchiffrable par toutes et tous et convoquant une sensorialité partagée.
Le Fil des jours est une chorégraphie sans répétition. Une partition est remise aux interprètes en amont de la performance. Celle-ci établit quelques paramètres minimaux d’exécution et véhicule des valeurs d’auto-gestion et d’écoute profonde. Les propositions sonores, scénographies et lumineuses s’y superposent spontanément, sur place, sous la forme du collage.
La partition du Fil des jours est d’une simplicité désarmante et c’est ce qui la rend invitante : une personne entame des mouvements et ceux-ci sont répétés simultanément par l’interprète qui la suit à plusieurs mètres de distance, au point le plus lointain de son champ de vision. Une troisième personne, placée tout aussi loin de la deuxième, répète les gestes de cette dernière et ainsi de suite. Un unisson improvisé dessine ainsi un lacet sur près d’un kilomètre. La partition du Fil prévoit que tous les participant.e.s peuvent occuper le « poste » de leader à tour de rôle. Cette expérience, si elle a le potentiel d’attirer le regard des passant.e.s, n’est pas avant tout destiné à un déploiement spectaculaire. Elle vise plutôt une rencontre subtile, mineure, voire méditative entre les participant.e.s. Un mantra du soin, le prolongement d'une ligne de vie.
Le Fil des jours a été créé de manière spontanée au cœur de la pandémie au printemps 2020 dans l’enceinte de l'ancien hôpital Royal-Victoria. Il s’est ensuite développé dans le cadre du projet « Aller à, faire avec, passer pareil » d’Edith Brunette et François Lemieux à la Galerie Leonard et Bina Ellen. Il s’est poursuivi au printemps 2021 dans trois nouveaux lieux en transition.
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